Que contiennent ces fameux rouleaux ?

D'abord la Bible hébraïque, c'est-à-dire l'Ancien Testament pour les catholiques et les protestants. Elle représente à elle seule 25 % du corpus des manuscrits de la mer Morte, à l'exception du Livre d'Esther. Antérieurs de mille ans aux plus anciens écrits connus, tel le Codex d'Alep daté de 920 après J.-C, ces manuscrits sont les plus anciens qui nous soient parvenus concernant ce texte sacré.
"Son contenu en hébreu est extraordinairement intéressant, car il n'est pas absolument identique à celui fixé, à partir du VIe siècle notre ère, par les massorètes, les scribes des écoles rabbiniques", explique Francis Schmidt, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études. Les nuances entre les deux textes sont certes minces, mais la Bible est pour les croyants "la parole de Dieu. " Aussi, précise-t-il, la plus petite variante de la parole de Dieu a-t-elle des implications exégétiques considérables." [note 1]

Une autre partie des écrits de la mer Morte est constituée de textes qui ne font pas partie de la Bible hébraïque, mais la complètent. Ces textes sont qualifiés d'apocryphes par les catholiques et de pseudépigraphes de l'Ancien Testament par les protestants. On trouve parmi eux le Livre d'Enoch, le Testament des douze partriarches ou encore le Livre des Jubilés. "On ne savait pas comment situer et dater ces textes d'origine juive transmis par les monastères et la tradition chrétienne. Et voilà qu'à Qumrân on en trouve des fragments en hébreu !", s'enthousiasme le spécialiste français.

Enfin, la troisième partie des manuscrits - la plus intéressante sans doute au plan historique - est constituée de textes totalement nouveaux dont on ignorait jusque-là l'existence, et qui auraient été écrits par les Esséniens, tels Le Rouleau du Temple et La Règle de la communauté, Le Commentaire d'Habacuc, L'Écrit de Damas, Le Règlement de la guerre, Le Rouleaux des Hymnes. Cette secte juive, comme les Sadducéens et les Pharisiens, était l'un des trois groupes du judaïsme nés lors de la prise du pouvoir par une nouvelle dynastie de souverains juifs, les Hasmonéens. Ces derniers, ainsi que leur grand prêtre, étaient contestés à cause de leur corruption. Dirigés par le Maître de Justice, les Esséniens vivaient retirés dans le désert pour "y préparer les voies du Seigneur" en appliquant des règles de vie très strictes, marquées par une très grande exigence de pureté.

Les deux courants de recherche qui se partagent l'étude de ces écrits ont une vision différente de la société essénienne et tentent de répondre à la question-clé : Jésus était-il essénien ?

  • Le premier courant, représenté en France par le Jésuite Emile Puech, chercheur au CNRS et à l'École biblique de Jérusalem, voit dans cette communauté un précurseur des premières communautés chrétiennes. Le site de Qumrân présente de nombreux bassins de purification, ce qui pourrait être relié à Jean-Baptiste qui, selon le Nouveau Testament, baptisait au sud du Jourdain.

  • Le deuxième se fonde sur la Halakha, les textes juridiques esséniens. Ces documents donnent une image tout à fait différente de la communauté essénienne, qui rejette tous les impurs et qui est aux antipodes de l'ouverture aux étrangers ou aux malades. Selon cette analyse, ce groupe "serait ultraconservateur, et partisan d'un retour à la pureté originelle du peuple hébreu. Ses membres se considéraient comme des élus", précise encore Francis Schmidt. Une étude plus approfondie des manuscrits de la mer Morte devrait permettre de trancher entre ces deux tendances.

Le rouleau de cuivre

Rouleau de cuivreLa «cascade de bouleversements» que devait entraîner cette découverte fabuleuse n'a pas eu lieu du fait du mutisme des uns, du désintéressement des autres et peut-être que tout n'a pas été publié. Le Rouleau de cuivre contenant des indications sur les cachettes utilisées à l'époque pour sauver le trésor du Temple a intéressé plus de gens ! Comme par hasard, c'est notamment dans la grotte 4 que se trouvaient, parait-il, les rouleaux détériorés et les fragments, ceux justement des fameux textes sectaires qui nous manquent. Mais, par contre, ce travail de publication a donné l'occasion aux Biblistes de sortir de nouvelles versions de la Bible. Depuis une décennie, de nouvelles rééditions et traductions de la Bible sont en vente, assorties de nouveaux commentaires des exégètes qui ont étudié les fameux manuscrits : les retouches sur le christianisme primitif sont sélectives pour ne pas perturber la foi. Laissons la question du rouleau de cuivre (découvert en 1952 et découpé soigneusement par EDF en 1997) aux chercheurs de trésor. Le texte gravé dessus en hébreu contient l'énumération de 64 cachettes recélant au total un fabuleux trésor : des vases précieux, des objets de culte en or et en argent, et des vêtements sacerdotaux, trésor que l'on attribue au temple de Jérusalem détruit en 70 ap. J-C...

Revenons à nos manuscrits en peau de chèvre, qui d'après une expertise de 1994 datent bien de 2000 ans, un peu plus pour certains documents. La révélation la plus importante a été certainement celle de la similitude entre l'essénisme et le christianisme naissant. Qumran était une communauté essénienne, secte juive contemporaine des débuts du christianisme. Les emprunts que les évangiles et les actes des apôtres font aux textes esséniens sont innombrables. Intrigante est la véritable identité du personnage dont le nom ne pouvait être prononcé et qui était connu sous l'appellation de "Maître de justice". Il fut l'organisateur de la communauté essénienne et rédigea peut-être lui-même la Règle, le Manuel de discipline et les Hymnes; il fut persécuté par "le prêtre impie" et périt de mort violente ; envoyé chez les Juifs pour leur faire entendre le langage des prophètes, il fut sans cesse traqué et, trahi par un des siens, il dut rejoindre son pays d'origine. Le messie essénien est-il le prototype de Jésus ? Il est aussi question d'un adversaire, une "langue de vipère", "l'homme de mensonge" ; Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque-chose ? L'adversaire à la langue venimeuse, n'est-ce pas St Paul (ex-Saul) dont parle l'épitre de Jacques ?

LA CRISE DU JUDEO-CHRISTIANISME

L'historien spécialiste du christianisme primitif, le Jésuite Jean Daniélou précise dans Les Manuscrits de la Mer Morte et les Origines du Christianisme (1957, page 123) que « cette découverte est la plus sensationnelle qui ait jamais été faite ».
Ses recherches l'ont conduit à écrire une Nouvelle Histoire de l'Église avec ces remarques capitales : « L'Église primitive, exclusivement juive, joue un rôle décisif jusqu'en 70 (chute de Jérusalem); c'est une vérité historique que nous masquent les documents officiels et qu'il importe de rétablir.» (Tome 1 Ch.1). Que s'est-il passé ensuite ?
C'est la véhémence des propos dans les épitres et le livre de l'Apocalypse qui frappe le lecteur, on réalise alors qu'il y a un grave conflit en deux partis opposés. Ceci concerne "la division" entre les Judéo-chrétiens du parti de Jacques et les pagano-chrétiens de celui de Paul, l'apôtre autoproclamé et “le ministre de l'église” de la lettre aux Éphésiens.
A ce sujet, Jean Danielou a écrit :
« Luc présente le point de vue de Paul. Or, le parti de Jacques est celui avec lequel Paul n'a cessé d'être en conflit (Galates, II, 12). Comme il a finalement disparu après 70, le souvenir s'en est effacé. Mais cet effacement fausse l'histoire des origines chrétiennes. »
« A terme, on aboutira à un renversement de la situation. L'Église primitive s'effondrera en 70 et le pagano-christianisme paulinien entamera sa destinée triomphale. » (Nouvelle Histoire de l'Église, par J. Danielou et H. Marrou, Éditions du Seuil, 1962, T.1 ch.3 p. 37 et p. 59).

Dans ses recherches, le Père J. Danielou a fait des découvertes qu'il n'a pas osé publier. On apprend pourtant que dans les compositions rédigées par ordre de Constantin des textes consacrés au bouc émissaire dans l'Ancien Testament (Nombres VI) ont servi pour réécrire la Passion du Christ. Le bouc était sacrifié par le prêtre nazaréen pour la rémission des péchés. - J. Danielou, "Théologie du Judéo-christianisme" (p. 112 à 114).

Que disent les manuscrits sur les origines du christianisme ?

D’après Massey, ce sont les Gnostiques "païens" – incluant des membres Esséniens ou Thérapeutes et des confréries Nazaréennes, entre autres – qui amenèrent en fait à Rome les textes ésotériques gnostiques contenant le mythe, sur lesquels se basèrent les nombreux évangiles, incluant les quatre canoniques. Wheless dit que "les Évangiles et autres livres du Nouveau Testament, écrits en Grec et citant 300 fois les Septante Grecs et plusieurs auteurs païens Grecs, comme Arathus et Cléanthe, furent écrits non pas par des paysans juifs illettrés mais par des Pères et des prêtres ex-païens de langue Grecque loin de la Terre Sainte des Juifs. Mead affirma : «Nous pouvons en conclure que les originaux de nos quatre Évangiles furent probablement écrits en Égypte, sous le règne d’Hadrien.» Certainement à Alexandrie, carrefour des religions. D'ailleurs, des manuscrits gnostiques furent découverts à Nag Hammadi, en Haute-Égypte, en 1945. -"Les Manuscrits de Nag Hammadi", Dossiers d'archéologie, n° 236, septembre 1998.

En outre, Wheless montre qu'on peut trouver une grande partie du mythe de «Jésus-Christ» dans le Livre d'Enoch, antérieur de plusieurs siècles à l'apparition supposée du maître juif - Wheless, op. cit., pp. 85-87. - Dans une perspective comparable, un ouvrage récent, - GRUNBERGER Béla, DESSUANT Pierre, Narcissisme, christianisme, antisémitisme. Étude psychanalytique, Actes Sud, coll. Hébraïca, 1997, 487 p., rappelle une fois de plus, du point de vue d'un judaïsme orthodoxe, les multiples incohérences et invraisemblances du récit évangélique, alors même que ses auteurs s'imaginent bien naïvement avoir affaire avec le personnage de Jésus-Christ à une figure historiquement avérée !

La similitude entre les Esséniens et le christianisme primitif est si frappante qu'Eusèbe de Césarée pensait que la description qu'en donnait Philon concernait la communauté judéo-chrétienne primitive. Les Esséniens se considéraient comme le dernier reste d'Israël, dénonçant la corruption et l'impiété de l'aristocratie sacerdotale en charge du Temple (Pharisiens). Paul élève de Gamaïel, rabbin pharisien, appelle ces adeptes de la Nouvelle Alliance les pauvres (Ébionites) ou les saints. Exactement les termes esséniens ! Ils auraient été un ordre initiatique relié à d'autres au Moyen-Orient. Selon Philon d'Alexandrie, leur confrérie comptait plus de 4000 membres. Le livre des Actes dénombre le même nombre de Juifs convertis à cette époque. Ces Fils de la Lumière se préparaient à une guerre sainte contre les Romains, et ils connurent une fin apocalyptique. Exactement ce que Flavius Josèphe en dit avec la chute de Jérusalem, en l'an 70 !

Le document qui prouve le lien étroit entre essenisme et christianisme, juif à l'origine, est intitulé: "Écrit de la Nouvelle Alliance au pays de Damas". Ce Document de Damas est le même qui avait été découvert en 1896 dans une synagogue du Caire par Solomon Schechter. Ce premier manuscrit essénien témoignant de cette secte dissidente juive fut découvert bien avant ceux de la Mer Morte. Il est sans doute à l'origine de l'hypothèse d'après laquelle Jésus aurait été un Maître Essénien qui aurait été instruit à l'école du Carmel. Inscrit à l'âge de 6 ans sous le nom de Joseph pour être préparé à sa mission de Fils de Dieu, il serait la réincarnation d'un autre Fils de Dieu, Zoroastre. Cette thèse, soutenue en 1937 par H. Spencer Lewis, s'appuie sur des documents de la Fraternité rosicrucienne et n'est pas fondée à partir de ce qui est aujourd'hui connu des manuscrits de la Mer Morte où il n'y a aucune mention de Jésus, fils de Marie. - "La Vie Mystique de Jésus" de H. Spencer Lewis, fondateur de l'AMORC (Ordre de la Rose-Croix). Pour le reste, relativement à "l'enseignement secret de Jésus", les évangiles rapportent des phrases allusives réservées à ses seuls disciples : Matt. XII 11, Marc IV 11, Luc VIII. Aux autres, Jésus ne parlait que par paraboles. - "Les Doctrines Secrètes de Jésus", H. Spencer Lewis, Éditions Rosicruciennes.

Les Esseniens à l'origine du christianisme ?

Note 1. "Mystère et scandale", article de Mireille Hadas-Lebel. - Manuscrits de la mer Morte (Massorti France) Retour

 

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