La découverte du siècle !

jarrePrès de deux mille ans se sont écoulés entre le temps où les rouleaux de manuscrits furent déposés dans les grottes des collines désertiques bordant la Mer Morte et leur découverte en 1947. Le fait qu'ils surgissent après vingt siècles, qu'ils furent trouvés accidentellement par des bergers Bédouins, qu'ils sont le plus grand et le plus vieux corps de manuscrits relatifs à la Bible et au temps de Jésus le Nazaréen confère à la découverte archéologique un attrait véritablement remarquable. Depuis leur découverte, les Rouleaux de la Mer Morte ont suscité un grand intérêt du public et des érudits. Pour ces érudits, ils représentent une incomparable source pour explorer la réalité des temps messianiques et sonder les origines du christianisme. Pour le public, ils sont des documents de grand poids, et de mystère.

En mai 1950, alors que la fouille de Qumrân n'était pas commencée et que les morceaux de manuscrits de la grotte 4 dormaient encore dans la poussière des siècles, une communication présentée à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres par André Dupont-Sommer, professeur de langue et civilisation sémitiques à la Sorbonne, avait produit l'effet d'une bombe en annonçant que le Maître de Justice de la Fraternité essénienne apparaissait comme un prototype de Jésus. André Dupont-Sommer s'appuyait sur les premiers textes connus : la Règle de la Communauté, le Commentaire d'Habacuc, l'Écrit de Damas. Il les attribuait aux Esséniens. Dupont-Sommer soulignait une continuité de pensée et de doctrine entre le Maître de Justice et Jésus. Comme Jésus, le Maître de Justice avait prêché la pénitence, la pauvreté, l'humilité, l'amour du prochain, la chasteté. Il avait prescrit l'observance de la Loi de Moïse, rendue plus parfaite par ses propres révélations. Il avait été l'Élu et le Messie de Dieu. Objet de l'hostilité des prêtres et des Sadducéens, il avait été condamné et mis à mort. Il reviendrait à la fin des temps. Ses fidèles attendaient son retour glorieux. Cette annonce provoqua une levée de boucliers et une vigoureuse riposte des instances catholiques qui ne pouvaient admettre que soit ainsi remise en cause la singularité du Christ et son caractère unique. Dupont-Sommer reçut des menaces. Il fut ébranlé par la violence des attaques dirigées contre lui. Au fur et à mesure de la publication des nouveaux textes, il fut obligé de s'exprimer de manière plus nuancée.

AgrandirLes religieux de l'École Biblique de Jérusalem étaient déjà sur les lieux et, en recherchant dans plusieurs grottes, ils trouvèrent d'autres jarres remplies de documents, cela jusqu'en 1955. Ils furent désignés pour les traduire et en assurer la publication, parce qu'ils étaient les plus compétents en langues anciennes. Ce sont presque exclusivement des Dominicains et des Jésuites de l'École Biblique de Jérusalem qui ont donc eu la charge d'étudier et de publier ces fameux manuscrits, mais comment croire à leur impartialité ? Cela en fait un monopole fâcheux, vu tous les autodafés antérieurs au cours de l'histoire du christianisme.

En 1956, un des membres de l'équipe chargée d'étudier et de publier les textes, J.-M. Allegro, se brouilla avec ceux de l’École biblique de Jérusalem, affirmant que M. Dupont-Sommer était encore plus près de la réalité qu’il ne le supposait. « Les origines de certains rites et doctrines du christianisme se retrouvaient, disait-il, dans les textes d’une secte extrémiste juive qui avait existé cent ans avant la naissance de Jésus-Christ... » (Note de l’auteur : au lieu de cent ans, lire deux cents ans). Cette "secte juive" a été presque aussitôt identifiée comme étant celle des Esséniens, que les auteurs antiques ont situés autour de la Mer morte, ce qui est en parfait accord avec l’emplacement du site de Qumrân.
Or, voici ce qu’on peut lire dans le document intitulé "Rouleau des hymnes", V, 7 et 8 : « Tu m’as placé dans un lieu d’exil parmi de nombreux pêcheurs qui étendent leurs filets sur la surface des eaux. » Frappant, on a tout à fait l'image-type des premiers apôtres au bord du lac de Tibériade (nom donné aux temps de Tibère).
La Mer morte n’ayant ni poissons, ni pêcheurs, les manuscrits n’ont donc pu être rédigés, en fait, que dans la région du lac très poissonneux de Galilée, dans le Nord de la Palestine. Et il s’agit non pas d’une simple secte mais d’un important courant du judaïsme, le plus authentique et le plus ancien qui, après l’exil de Babylone, s’est réimplanté dans la région. Ces Galiléens et ces Babyloniens, dont les manifestations révèlent l’ardeur religieuse, sont cités plus d’une fois par l’historien juif Flavius Josèphe. Peut-être se considéraient-ils toujours comme des exilés en s’opposant à ceux qui, à Jérusalem, avaient le pouvoir ainsi que le bonheur insigne d’habiter dans la Ville sainte ?
Dans cette hypothèse, les documents retrouvés à Qumrân doivent être considérés comme une copie ou un double à l’usage d’un monastère propulsé dans le désert de Judée à l’image d’une tête de pont, en vue de la reconquête future de la Ville.
Jean-Baptiste, l’ermite du désert, était-il un Essénien de Qumrân ? Flavius Josèphe le cite dans ses ouvrages. Connaissait-il les documents qui y ont été découverts ? Oui, cela ne fait aucun doute. Mais au fur et à mesure, la pensée essénienne a évolué. Et voilà Jésus qui enseigne, corrige, modifie et remet cette évolution sur ses rails : « Il est écrit ceci dans la loi de Moïse... mais moi, je vous dis : ...»
Non, les maladies ne sont pas des châtiments que Dieu inflige à l’homme pour le punir de ses péchés. Non, la femme qui a ses règles n’est pas impure. Non, on ne lapide pas la femme adultère. Le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat (imaginez que le Christ ait eu la mauvaise idée de supprimer ce repos hebdomadaire, et ce sont nos week-ends qui n’auraient peut-être jamais vu le jour). Bref, les origines esséniennes du christianisme sont irréfutables.
Les Manuscrits de la mer Morte, de Milar Burrows, paru en 1957 (coll. Les énigmes de l'univers, Robert Laffont).
• La première traduction en français d'une partie des manuscrits de la mer Morte avait été publiée, en collaboration avec André Dupont-Sommer, chez Gallimard (Col. La Pléiade), sous le titre : « La Bible - Écrits intertestamentaires ».

Depuis 1980, aucune controverse n'a été plus vive qu'autour de cet accès restreint aux manuscrits et la stupéfaction est grande quant au retard dans leur publication. La demande par des érudits pour obtenir ce que la Revue d'Archéologie Biblique caractérise comme « la liberté intellectuelle et le droit d'accès aux érudits » a eu des aboutissements significatifs. En 1988, l'administration pour la recherche sur ces manuscrits, l'Autorité Israélienne des Antiquités, commençait à réduire le nombre d'affectations aux Manuscrits. En 1991, une version générée par ordinateur ainsi qu'une édition des photos de Manuscrits fut publiée par la Société Biblique d'Archéologie. Tard dans la même année, la Bibliothèque Huntington de Californie rendit les copies photographiques des manuscrits déposés dans sa cave disponibles seulement aux érudits, par protection. Les Américains Eisenman et Wise publièrent une partie des textes issus de la grotte 4, et Eisenman identifiait le "Maître de Justice" comme étant Jacques, le Mineur, frère cadet de Jésus, et le "Prêtre impie" serait le Grand Prêtre, Anne. Il soupçonnait Paul d'être "l'homme de mensonge" des fameux manuscrits. Mais le mystère persiste du fait du retard dans la publication des nombreux documents trouvés dans cette grotte 4, les plus attendus. Le scandale de la grotte 4 éclate dans les milieux universitaires anglo-saxons.

Voilà ce qu'a dit un jour le seul spécialiste laïc qui ait eu accès à ces documents lorsqu'il faisait partie de l'équipe internationale en charge des manuscrits, John Allegro, professeur à l'Université de Manchester :

« Les savants qui ont étudié les manuscrits de la mer Morte n'ont jamais dit ce qu'il y avait vraiment dans le texte. En effet, ce sont des prêtres, surtout des Jésuites, et ils ont peur de ce qu'ils ont découvert. C'est plus sensationnel que ce qu'ils soupçonnaient. C'est une bombe qui ferait trembler les religions chrétiennes sur leur base.»

Puis, en 1992, le public français s'émeut. Dans La Bible confisquée, enquête sur le détournement des manuscrits de la Mer Morte, Michael Baigent et Richard Leigh (Plon éd. 1992) affirment :La Bible confisquée

"Des 800 documents trouvés près de Qumram, on n'en connaît pas le quart. Voici 50 ans que les secrets de la plus importante découverte archéologique du siècle dorment dans les caves du musée de Jérusalem, car les membres de la très secrète École Biblique de Jérusalem lâchent au compte-goutte des informations pourtant essentielles pour qui s'intéresse à la naissance du christianisme. Plus grave encore, l'interprétation officielle de ces documents relève de la langue de bois, comme si les évangiles étaient les seuls textes historiques fiables ! On parle du plus grand scandale universitaire contemporain. Non seulement la conspiration existe bien mais ces manuscrits recèlent surtout une nouvelle version des débuts du christianisme qui remet en cause la Vulgate. Mieux qu'un simple pavé dans la marre, ce document comble un demi-siècle d'interrogations."

L'intérêt de ces manuscrits s'est intensifié au cours de ces dernières années car la presse s'est fait l'écho du retard mis volontairement à leur publication, mais la polémique est étouffée afin de ne pas réveiller les querelles religieuses. Il n'en reste pas moins vrai que "la secte essénienne représente l'un des mouvements mystiques les plus élevés et les plus féconds du monde antique ; plus que tout autre mouvement dans le Judaïsme, elle a préparé les voies à l'institution chrétienne". (N° 189 / janvier 1994 des Dossiers de l’archéologie, page 94, article de Jean Perrot, directeur de recherche honoraire au CNRS).

Les dossiersLe N°189 des Dossiers d'Archéologie, intitulé : LES MANUSCRITS DE LA MER MORTE - Aux origines du christianisme (janvier 1994) s'est fait l'écho de la polémique amplifiée par la grande presse internationale, à la suite d'enquêtes menées sur le détournement des manuscrits de la Mer Morte. La rétention des 3/4 des manuscrits par l'équipe chargée de les publier est un vrai scandale. Très complet, il donne une relation précise des faits, et un exposé des thèses en présence.
Ce dossier tente de répondre à toutes les questions : Que sont ces manuscrits et que disent-ils des origines du christianisme ? Essenisme et messianisme - Essenisme et christianisme - L'héritage des pauvres (Ebionites)... L'état actuel de la publication en 1994.

Le professeur Eisenman a fait depuis de nouvelles révélations. En 1996, le nouveau manuscrit qu'il publie est du même acabit que l'épître de Jacques qui dénonce une "langue de vipère". Il conclut que la religion chrétienne, depuis la fondation de l'Eglise des Chrétiens par Paul à Antioche en l'an 50, est l'inverse du courant originel des premiers apôtres : "C'est le reflet renversé de l'autre qui était nationaliste, juif, zélote, insurrectionnel et engagé contre l'oppression Romaine".
Dans Les Manuscrits de la Mer Morte Révélés, livre paru en France en 1997, Wise et Eisenman montrent que le christianisme naissant n'était pas une religion à visée universelle appelant à la soumission et à la résignation mais plutôt un mouvement juif appelant à la révolte contre l'injustice et opposée à l'ordre établi. Saul aurait été l'adversaire menteur qui ira jusqu'à s'allier aux Romains qui écrasèrent les Juifs et détruisirent le temple de Jérusalem. Considérant les premiers apôtres comme ses ennemis, Paul a écrit en effet contre ces juifs qu'il traite de "chiens", de "rebelles" (Seconde épître aux Corinthiens, XI, 16 - Galates, II, 4 - Ephésiens, V, 6 - Romains VI, 2 - Philipiens, I, 15-27 - Philipiens, III, 2 - I Thessalonicienss, II, 15). Les rivalités ou les dissensions sont l'objet principal des épîtres qui nous sont parvenus. D'ailleurs, les disciples n'étaient-ils pas prévenus qu'il viendrait de faux Messies et de faux prophètes ? Depuis, les querelles religieuses, les schismes et les controverses n'ont jamais cessé.

La rétention de ces documents par les Jésuites et les Dominicains de l'École biblique de Jérusalem, plus d'un demi-siècle après leur découverte, est un scandale dont toute la presse se fit l'écho. En particulier, cette enquête sur le détournement des manuscrits de la mer morte :
Les M M MLA BIBLE CONFISQUÉE, enquête sur le détournement des manuscrits de la mer Morte, de Michael Baigent et Richard Leigh, paru en 1991, Plon.
La controverse sur les manuscrits s'enflamme, et voici un long extrait :
"Controverses sur les manuscrits" de L'Aventure des manuscrits de la Mer Morte, de Hershel Shanks, paru en 1996 (Editions du Seuil).
• «Les Manuscrits de la mer Morte», ouvrage publié par Michael Wise, Martin Abegg et Edward Cook, et traduit de l'anglais (Plon, 29 €, Janvier 2002)
Le mystère Qumran - Les Manuscrits de la Mer Morte (vidéo) Youtube

Que contiennent ces fameux rouleaux ?

 

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